Mes deux dernières journées, outre la visite d'appartements, ont été consacrées à la rédaction de la V2 d'une bible. La reprise en main d'un projet à la demande de notre producteur préféré (j'en ai déjà parlé ici).
Et je me suis aperçu encore une fois, peut-être de façon plus sensible encore, que rédiger des bibles, des résumés, des synopsis, des fiches personnages, était un travail en soi, presque une spécialisation. Et que le fait que cela ne se transforme pas toujours en scénario, en continuité dialoguée puis en film, pouvait aboutir à une certaine frustration
Car qu'est-ce que doit dégager un scénario ? Pour moi, (au moins) de l'émotion et du sens. Et ce qui prévaut dans la rédaction d'une bible, un document quand même plus destiné à vendre le projet à un diffuseur ou un producteur, c'est surtout le sens. Bétonner le concept, donner une idée claire des enjeux, présenter une palette de personnages qui puissent, réunis dans l'histoire, apporter une cohérence, une logique architectonique.
Bref, écrire des bibles, c'est rationaliser, faire appel à l'hémisphère gauche de son cerveau.
Et l'émotion ? Eh bien justement, elle est l'enfant pauvre. Car comment faire naître un frisson, un sourire, un sentiment esthétique, dans cet édifice filaire où la chair manque terriblement ? Moins un travail d'écriture qu'un travail de rédaction, au sens scolaire du terme, l'élaboration d'une bible n'autorise que très rarement l'échappée belle vers ce pour quoi nous écrivons: le privilège de créer du vivant.
Et ça, forcément, c'est pas trop marrant.
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29 commentaires:
moi je cherche le rapport entre ton post et les deux filles culs par dessus têtes de la photo...(je trouve pas....)
cela dit, quand même, dans notre synopsis d'épisode pilote, il y a de la chair et, j'ai l'impression, de l'émotion.
Non ?
Oh la la tu parles de scénario comme de marketing ! On ne peut pas dire d'un texte, encore plus quand il s'agit d'une "bible", qu'il y a de la chair, de l'émotion, du ressenti. C'est à l'appréciation de chacun. Laisse ça aux producteurs, pitié ! Même quand ils sont surtout des produits de vente, ces textes doivent surtout faire rêver, promettre quelque chose, faire bander quoi ! Concept, enjeux, logique, empathie ? Berk, ce sont des mots horribles, froids, calculés.
@Hélène:
Les deux filles forment dans cette position le symbole du yin et du yang, ce qui confère du sens à cette photo. Et personnellement, je ressens une certaine émotion en la regardant ;)
@Cedric:
Certes. mais c'est vraiment un goût de trop peu, quand même.
@Marc:
Je ne comprends pas ton commentaire. Tu dit qu'une bible doit "faire bander, rêver". Ok, mais c'est justement là l'essence du marketing, promettre quelque chose sans souci réel de ce que sera le résultat final, tout mettre dans la forme d'un "produit" pour faire croire que le fond sera aussi bien. Bref, faire une bande-annonce.
Et ce que je voulais dire dans ce post, c'est qu'au bout d'un moment, ne faire que des bandes-annonce, ça lasse, quand on a envie de faire vivre des personnages dans des vraies scènes où les émotions pourront se déployer pleinement.
Mais c'est vrai que cela fait un moment qu'on enchaine les bibles, synopsis et autres pitchs, sans que cela aboutisse. Donc j'ai envie de passer à l'étape suivante, celle qui m'intéresse vraiment et me fait bander moi, celle de l'écriture où les personnages prennent corps et vie, où un silence soudain peut dire tellement de choses…
Mettre un silence qui tout d'un coup te saisit d'émotion dans un synopsis ou un pitch, c'est pas facile, facile…
"Concept, enjeux, logique, empathie ? Berk, ce sont des mots horribles, froids, calculés."
Le choc des cultures... ;)
Et la poésie, bordel ?
Assez d'accord avec toi, JC. C'est sans doute pour cette raison qu'il est désormais de plus en plus rare de faire saliver un diffuseur sur une bible. Parce que c'est un document théorique et technique chiant et sans âme. Sur les prime en tout cas (c'est peut-être différent pour l'access), c'est de plus en plus souvent sur un pitch de trois pages que l'affaire se joue. Trois pages, ça permet de voir clairement s'il y a une idée ou non. Sur trois pages, c'est bandant ou c'est mou. Et si c'est bandant, allez hop, on y va, boum badaboum ! Et c'est seulement ensuite, si le scénario tient la promesse du pitch et que l'idée de poursuivre la série se confirme qu'on écrit la bible, qui n'est rien d'autre en fait qu'un outil de travail pour les scénaristes à venir sur la série.
Ah enfin l'avis d'un vrai professionnel ! ;)
Ah... la poésie.
Le problème du cinéma français. ;)
Malheureusement, ce n'est pas encore très courant ce dont parle Pépé Swann . Mais vivement que ça s'étende, parce que c'est vrai c'est pénible d'écrire ces bibles avant même de savoir ce que sera la série (c'est comme les synopsis de 10 pages)...C'est pour ça qu'elles se ressemblent toutes. Même vocabulaire, mêmes intentions nébuleuses, même expressions toutes faites...Bonjour le formatage.
Et Cédric : Ouais, la poésie bon sang! c'est pas du gnan-gnan. Dans les bonnes séries, il y a beaucoup de poésie.C'est pas du "mignonne allons voir si la rose"? True blood, par exemple, il y a un côté très poétique...
Non seulement c'est relou à écrire mais je trouve que ça fausse un peu les choses cet aspect théorique de la bible. quand je suis lectrice, des fois je lis des trucs genre "sur un ton complètement désopilant, nos personnages bousculeront complètement les idées reçues". et puis tu lis un synopsis ou un pilote et.. bof.
Oui mais toi, tu n'as aucun humour aussi faut dire ;)
Absolument.
Par contre j'ai une solution personnelle au problème que tu évoques : je laisse les personnages écrire la bible. c'est plus fun à écrire
(par contre ça ne se vend pas forcément mieux, mais je ne peux pas résoudre tous les problèmes à la fois)
Six personnages en quête de bible ! ;)
Oui en effet, True Blood est une série très poétique. Mais dans laquelle il y a également beaucoup de concept, d'enjeux, de logique et d'empathie.
La force de l'écriture anglo-saxonne, c'est de savoir parfaitement marier les deux. En France, trop souvent, la technique, c'est un gros mot. Ou alors il y en a trop (comme chez Weber). Donc là c'est moi qui dis "beurk".
je suis d'accord avec toi sur l'écriture anglo-saxonne...
Mais ne s'exprimer qu'en terme d'enjeux , d'empathie etc...C'est super chiant et ça ne veut rien dire. C'est pas parce que tu dis qu'il y a un enjeux etc, qu'il y en a un. Ceux qui on fait les plus grandes choses, ne s'expriment pas comme ça. Ecrire un bon scénario c'est aussi une question de bon sens. je pense particulièrement à Coppola quand il parle de son travail d'écriture sur "le parrain" jamais tu n'entends ces mots dans sa bouche (voir bonus DVD, génial). Il recrache pas son manuel de dramaturgie quoi.Il parle de ses personnages, de ce qu'il veut raconter.
C'est comme parler d'un film en disant, "ca manque d'enjeux, la problématique n'est pas claire...bla bla bla..." c'est réducteur, ça ne laisse aucune place à la subjectivité, à l'émotion la vraie. Amen!
@ JC : C'est vrai ça, je ressors mon petit Pirandello illustré.
@ Hélène : je suis bien d'accord mais je me demande si ce n'est pas qu'un problème de vocabulaire.
Par exemple quand on bosse avec un réalisateur sur son scénario et qu'on dit "ton personnage n'a pas d'enjeu et n'évolue pas" il va te dire que oui mais son film n'a pas une structure classique etc etc et on perd des heures alors que si on dit : "ton personnage, on s'en fout grave, il est chiant" il dit "ouais tu trouves ? c'est vrai t'as peut-être raison.."
Oui tu as raison, c'est une question de vocabubaire. Je ne suis absolument pas contre les règles de narration, ce serait stupide. Mais dire, "ton personnage est chiant il n'évolue pas", ça a le mérite d'être limpide :-) Mais au départ il y a le désir, une histoire, sinon on remplit des cases vides...C'est comme voir un comédien sur scène qui a beaucoup de technique mais qui ne donne que ça. C'est chiant. Mais un comédien généreux qui n'a pas de technique, ne peut pas être bien tous les soirs. Donc c'est pas bien non plus.
(bon je sais pas pourquoi je raconte tout ça, parce qu'en fait on est tous d'accord, c'est évident :-))
Oui oui on est tous plus ou moins d'accord. ;)
Bon j'allais répondre à Hélène sur le fantasme du scénariste français qui aimerait écrire sans recours à la technique narrative, et pour lequel les mots dramaturgie, ironie dramatique ou paiement sont des gros mots, sales, voire vulgaires. Mais je vois qu'effectivement, nous sommes tous d'accord ;).
Et c'est cool, on va tous écrire des séries qui cartonnent, avec plein de poésie et de dramaturgie intense.
Reste plus qu'à attendre que les producteurs et les diffuseurs nous les commandent…
Oui la technique c'est très bien, faut l'intégrer mais sans âme, sans poésie, sans point de vue, la technique seule ne donne rien dans un scénario. Pire, ça se voit ! Et c'est chiant, c'est pas sincère, on s'emmerde.
Il faut arrêter de penser à la technique quand on écrit, surtout au début. On n'est pas des machines ! Enfin, je l'espère..
Et c'est reparti ! ;)
En fait, je crois que l'analogie avec la poésie n'est pas du tout adéquate pour parler d'écriture de scénario.
Parce qu'on peut effectivement sortir un beau poème sous le coup de l'inspiration, de l'absinthe ou d'autre chose.
Mais vu qu'un scénario entremêle des notions d'espace et de temps, avec des éléments aussi complexes que des caractérisations de personnages, de leurs trajectoires, objectifs, rebondissements, bref tout une grammaire enrichie, il me semble qu'on devrait plutôt comparer cela à l'écriture d'une symphonie. Et sincèrement, je connais peu de compositeurs symphoniques qui ne maîtrisent pas la technique musicale.
Bref, personne, et surtout pas moi, n'a dit qu'il fallait tout miser sur la technique et oublier le reste. L'écriture reste un art, et nécessite bien évidemment une part d'inspiration, un élan vers les étoiles.
Les deux mon général, les deux.
Et la technique n'est pas sale, elle permet justement à l'étincelle esthétique de se produire.
Parce que si Rubinstein avait donner ses concerts sans avoir fait au préalable ses 6 heures de gamme quotidiennes, toute l'inspiration du monde ne l'aurait pas sauvé d'une interprétation désastreuse.
Mais bon, je crois que nous avons définitivement des visions différentes du monde, ou pour être plus précis, de sa représentation… ;)
la technique il faut l'intégrer et l'oublier. C'est comme le vélo, (balèze l'analogie!), quand on sait en faire on ne se dit pas "alors là il faut que j'appuie sur ma jambe droite, puis ma gauche...". Ensuite, tout est une question de talent et surtout de travail...Un travail de Titan même!
(elle commence à être chiante cette discussion!). Fais un autre post!
Hélène a tout dit, elle est en forme ! She's back!
Non non, c'est moi qui ai tout dit !
Hélène est juste venue faire son intéressante derrière.
;)
C'est une technique ;-)
Quand on n'a pas de boulot, on a le temps de réfléchir à la théorie, à défaut de pratique.
C'est cool.
C'est intéressant.
Bon, quand est-ce qu'on bosse ?
C'est ça retournez bosser !
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