
Une chose vous étonne peut-être depuis que vous lisez ce blog. Le sous-titre en est "Chronique d'un réalisateur qui écrit". Mais à vrai dire, on n'y parle jamais de réalisation.
Qu'est-ce à dire ? Serait-ce une fausse piste ? Un voeu pieux ? Une figure de style ?
Pas du tout. C'est une réalité. Mais une une réalité disons, intermittente.
Parce que réaliser un film, c'est quand même beaucoup moins aisé, d'un pur point de vue pratique, que d'écrire un scénario ou un roman, exercices auxquelles je m'adonne plus régulièrement.
J'ai déjà réalisé un documentaire sur la musique cubaine, diffusé sur Arte puis sur un grand nombre de chaînes du câble.
Et, concernant la fiction, j'ai réalisé deux courts-métrages, avec mes petits moyens et une petite équipe. Et même une équipe réduite à ma seule personne (plus les comédiens) pour le second.
La réalisation est pour moi, avant tout, un moyen d'exprimer une vision du monde et du rapport entre les êtres. Ça peut paraître ambitieux, voire pompeux comme ça, mais c'est extrêmement sincère.
Et c'est surtout pour dire que la réalisation d'un film n'est pas pour moi uniquement une question de technique, d'esbroufe virtuose.
Je ne suis pas fan des caméras qui font des loopings, des ultra-ralentis et autres afféteries qui attirent l'oeil sur la caméra au détriment de l'histoire qu'on raconte et des personnages qui y jouent leur destinée.
Car il s'agit bien de ça. Une histoire forte, une dramaturgie intense dans laquelle des personnages de celluloïd arrivent à nous parler de nous-même, dans ce moment incroyable d'émotion qu'on appelle la magie du cinéma.
La technique au service de l'histoire pour créer du vivant et faire qu'un film soit plus qu'un amusement pour garçons riches. Une expérience inoubliable, une émotion esthétique qui perce à jour notre finitude pour nous emmener là-haut, tout là-haut, tutoyer les étoiles.
Et vraiment, pour arriver à cela, je ne ressens nul besoin de faire faire trois fois le tour sur elle-même à la caméra, ou de faire passer l'objectif par le trou d'une serrure avant d'atterrir au sous-sol après avoir traversé 5 planchers.
Si on a que cela à proposer, on n'est pas, selon moi, un réalisateur. On est, au mieux, un faiseur, un technicien, un passionné du mouvement, un cadreur ou un chef opérateur apoplectique, bref on est au cinéma ce que Richard Clayderman est à la musique, un virtuose qui n'a rien à dire.
Les cinéastes que j'admire sont au contraire ceux qui ont le génie de la simplicité. Les Hitchcock, les Shyamalan, les Bergman, les Billy Wilder, ceux qui sont capables de créer avec trois plans ce que Mozart créait avec trois notes, un univers entier aux mille résonances, un ticket pour l'au-delà de nos rêves.
Alors oui, sans doute le chemin est-il encore long pour arriver à m'approcher de cela, mais le principal est de garder le cap, contre vents et marées, et ne pas céder aux tentations de la facilité, ni se laisser impressionner par l'esbroufe des virtuoses au coeur vide.
La réalisation, comme l'écriture est un sacerdoce, un acte de foi, un don de soi pour les autres.
Pas un exercice masturbatoire pour montrer comment qu'on est beau.
L'essentiel, pour moi, est de le savoir. Et les films viendront.