Me voilà de retour du festival d'Aix les bains, où se déroulait le festival "Scénaristes en série", 3ème saison, avec un certain sentiment de malaise.
Festival de la déprime des auteurs et des producteurs? Festival masochiste ?
Il faut dire qu'à chaque fois, un pays est invité, dont on découvre les nouvelles séries. Et ça n'aide pas.
Parce qu'entre les USA pour la première édition, le Québec l'an dernier et les Anglais cette année, c'est quand même toujours l'occasion de se prendre une bonne claque. On sort des projections en se disant "mais pourquoi nom d'une pipe, ne sommes-nous pas capables de faire des séries avec autant d'exigence et de qualité, aussi bien concernant l'histoire que les personnages, l'originalité ou le ton?". Et qu'on ne me sorte pas l'argument du budget. Certes, il est valable pour les fictions US, mais il suffisait de voir les séries anglaises cette année pour comprendre qu'on peut être inventif et pertinent avec des budgets plus que serrés, en tout cas sûrement pas plus importants que les nôtres.
Un début de réponse a été apporté par ces mêmes Anglais, auteurs, producteurs et diffuseurs, lors d'une table ronde où ils nous ont expliqué leur philosophie. Tout d'abord ils étaient super étonnés d'apprendre qu'en France, notre mètre étalon est la ménagère de moins de 50 ans. Comme le rappelait un des auteurs, sa mère a 60 ans et son film préféré est le Silence des agneaux.
Ensuite leur façon de voir les choses est très simple. Une bonne série, c'est avant tout une bonne histoire, avec des personnages forts et un ton cohérent pour raconter cela. Cohérent signifiant "sans concession". Tout le contraire de la France finalement. Ici, une série doit avant tout correspondre à un certain type de public, certaines tranches d'âge ou catégories professionnelles. Bref, là où les Anglais écrivent en pensant d'abord dramaturgie et personnages, nous nous écrivons en pensant d'abord cible, marketing, annonceurs. Quel scénariste français n'a pas déjà reçu des notes d'une chaîne lui demandant de transformer un personnage parce qu'en ce moment ils sont un peu légers sur le segment des gays CSP+ de 30-35 ans aimant le sport et le commerce équitable ? Une productrice anglaise confirmait qu'elle trouvait cette façon de faire totalement incongrue, et qu'on avait toutes les chances en pratiquant ainsi de perdre son âme et d'écrire des histoires molles. CQFD.
Impression confirmée par la projection le dernier soir des bandes annonces des chaînes françaises pour présenter leurs prochaines fictions. En voyant ça, on avait surtout envie de travailler pour Arte et Canal +, les deux grandes chaînes historiques dont les audiences sont les plus faibles. Comme par hasard.
Quant à la table ronde intitulée "Fiction dans quel état j'erre?", elle était proprement surréaliste. Voir la vielle garde de la fiction française, de Navarro à Lescaut, nous expliquer qu'on avait perdu la magie de l'âge d'or m'a tout simplement coupé le souffle. Qualifier un robinet d'eau tiède d'âge d'or, c'est juste à se flinguer avec une saucisse plate. Où alors il faut comprendre "âge d'or" dans le sens sonnant et trébuchant, tant il est vrai que les caciques présents au débat se sont fait des couilles en or avec des fictions au goût d'opium du peuple.
Curieux sentiment donc, à propos d'un festival qui cherche des solutions au malaise de la fiction hexagonale, mais en convoquant à son chevet les médecins de Molière.
Certains producteurs à l'issue de la dernière soirée me confiaient leur déprime. La crise financière, la suppression de la pub sur le service public, les chaînes commerciales qui confondent marketing et dramaturgie, voilà de quoi se demander où l'on va et jusqu'à quand.
Même la bouffe était sous forme de miniatures, comme si un mauvais génie avait tout rétréci d'un coup de baguette magique.
Heureusement qu'il y avait les amis avec qui rigoler et refaire le monde, nos producteurs préférés qui ont l'air de garder le moral contre vents et marées, et les journalistes de Spin-off pour nous interviewer, Cedric et moi. Ça nous a permis de vider notre sac, et vous pourrez bientôt écouter ça sur leur site.
Je ne sais pas si j'ai hâte à la prochaine édition du festival, mais j'ai surtout hâte que chacun prenne conscience qu'on n'écrit pas des bonnes séries le nez sur les chiffres. Et ça passe par une remise en question de chacun: les auteurs sont-ils si bons que ça ? Les producteurs sont-ils suffisamment impliqués ? Les diffuseurs peuvent-ils être plus proches des auteurs que des annonceurs ?
Une remise en question qui n'a en tout cas pas eu lieu dans cette 3ème édition du festival, plus proche de l'onanisme collectif pour certains ou du refoulé pour d'autres.
L'année prochaine ?
Si tout va bien…
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11 commentaires:
Bonne analyse, JC. J'ai trouvé ce "festival" particulièrement vain, tellement d'ailleurs que je suis parti samedi en fin d'après-midi alors que j'avais payé ma chambre d'hôtel pour la nuit...
Fait chier Tito Topin en guest star. Fait chier que PBLV soit l'exemple de réussite de la fiction française. Fait chier que les diffuseurs n'aient pas plus de couilles. Heureusement, j'aime encore ça, écrire...
Allez, on va dire que c'est le principal !
;)
Il y avait aussi des débats qui donnaient la pêche et des scénaristes français heureux (si,si)
Quant aux séries anglaises, on peut aussi se dire que si cela se fait si près, cela va bientôt se faire ici...
J'ai aussi croisé des scénaristes heureux: ils étaient tous anglais !
Moi, écouter les gars et filles qui font des programmes courts et l'équipe de Tony Marshall, ça m'a donné la pêche...Et ceux-là sont français...
Les programmes courts, c'est vraiment un cas à part, et puis oui, Arte, c'est bien ce que je (déplore) dis…
Bah, je suis un scénariste heureux moi ! Et je roule à droite. Enfin, façon de parler.. j'ai pas le permis... et je suis pas entarté UMP... enfin bref, scénariste français heureux ce n'est pas une contradiction!
si ?
(anyone ?)
Au moment de l'écriture c'est sûr que parfois ça se passe bien. Mais ecrire pendant des années et ne voir que de la daube à l'écran ça doit user... et quand tu vois les BA des chaînes, ça fout un coup quand même...Tu en conviendras marco...
Mais Marco est heureux, laissez-le tranquille quand même !
Fait chier les scénaristes heureux.
Mais Marco se drogue! Personne ne voit ça ?! C'est dingue quand même...
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